Godless

Au 69e Festival du film de Locarno, le Jury œcuménique a attribué son prix  à « Godless », premier long métrage de la réalisatrice bulgare Ralitza Petrova. Le film a également reçu le Léopard d’Or.


Dieu existe-t-il dans une société sans Dieu ? La voix de Dieu, où se fait-elle entendre dans un contexte social où tout semble perdu ? Le film "Godless" montre la cruelle réalité d’une Bulgarie post-communiste et capitaliste où règnent la corruption, la violence, l’absence de justice et de valeurs humaines. Dans ce contexte, la seule manière de survivre semble être d’utiliser les rouages du système. Gana, une jeune femme au visage fermé travaille comme aide-soignante à domicile pour personnes âgées. Mêlée à un réseau criminel, elle vole les cartes d’identité de ses patientes que son copain garagiste vend à un réseau mafieux. Prisonnière de son histoire personnelle, Gana rêve d’amour et de relations humaines véritables. Elle a envie de chanter. Lorsque la voix de la conscience se réveille, la jeune femme fait l’expérience douloureuse que l’abime s’ouvre devant elle. Elle n’est pas la seule. Face à l’expérience de la mort, nous sommes tous égaux. Ce qui reste est le cri universel de tout être humain face à la détresse profonde : le cri pour la dignité, l’amour et la vie.

Le pire est que quand dans la détresse la plus profonde il n’y a plus personne à qui adresser ce cri. En ce sens, le film est comme un psaume : « Des profondeurs, je t’appelle, Seigneur : Seigneur, entends ma voix ; que tes oreilles soient attentives à ma voix suppliante ! (Psaume 130, 1-2). Ce film pose la question de Dieu dans un contexte social dérisoire grâce à une métaphore omniprésente : « Godless » qui signifie à la fois une société « sans foi ni loi » et une montagne qui apparaît au début et à la fin du film.

Quel serait alors le chemin de libération, voire même de rédemption, sur le plan individuel et social ? Le film soulève la question sans y donner une réponse simple. Le spectateur est invité à créer son propre cinéma. En ce sens, « Godless » fait un clin d’œil à la « théologie de la croix » et la « théologie de la mort de Dieu » où Dieu lui-même souffre le martyre dans les geôles créées par les systèmes politiques totalitaires du 20e et 21e siècle.

La réalisatrice bulgare Ralitza Petrova ne souhaite pas que son film se résume à un message pessimiste. Elle dit : « Dans la Bulgarie d’aujourd’hui où l’humiliation et l’abus sont les seuls moyens pour survivre, faire la chose juste semble être possible seulement quand tout est perdu. » (cit dans Pardo Live, 10.08.2016) Autrement dit, le désir de justice reste vivant.